"Créer des ponts, au-delà des frontières !": interview avec Rebecca Vaissermann

Autrice, comédienne, metteur en scène, Rebecca est française, vit à Paris et a rejoint l’aventure 10 SUR 10 en 2017 lors de la résidence d’écriture du tome 3 de la collection. Elle a depuis largement rattrapé les années tome 1 et tome 2 où elle ne savait rien de 10 SUR 10 en nous offrant tout à la fois le plaisir de sa présence en résidence et de superbes textes pour les tomes 3, 4, 6 et 7 des Pièces à jouer et à lire. 

Katia Shahoika : Chère Rebecca, ça fait déjà un moment qu’on se connaît et que tu fais partie de la famille 10 SUR 10. Peux-tu nous raconter où a commencé l’aventure 10 SUR 10 pour toi ? 

Rebecca Vaissermann : L’aventure 10 SUR 10 a commencé en 2017 lors de la résidence de Zabzre. J’avais répondu à l’appel à candidature le jour de la deadline et ne connaissais pas encore 10 SUR 10. Je me souviens être arrivée en Pologne en me demandant où je mettais les pieds : je ne connaissais personne parmi les auteur(e)s et les organisateurs. Cette résidence a marqué mon entrée au sein du programme 10 SUR 10, grâce auquel j’allais vivre beaucoup d’aventures à travers le monde !

Katia Shahoika : Zabrze, Brunow, Saint-Louis sont les villes où tu as été pour les résidences d’écriture 10 SUR 10. En quoi chaque résidence est particulière pour toi ?

Rebecca Vaissermann : Chaque résidence est en effet différente, même si on y retrouve toujours « l’esprit 10 SUR 10 », fait de beaucoup de moments conviviaux, de temps d’échange et de rencontres. Zabrze était ma première expérience d’écriture au « format » 10 SUR 10 (10 pages, 10 personnages, et 10 jours pour écrire !) et nous avons été magnifiquement accueillis. Chaque résidence se déroule dans des lieux exceptionnels, et celle au château de Brunow n’a pas dérogé à la règle. Là-bas, le défi était de taille, puisque nous avions à charge d’adapter chacun une pièce de Molière – ce qui nous a donné à tous du fil à retordre ! Enfin, la résidence de Saint-Louis a été une parenthèse enchantée, où j’ai eu la joie – c’est un des plaisirs de 10 SUR 10 – de retrouver des auteurs et des autrices rencontrés lors des résidences et festivals précédents. Nous sommes passés de l’hiver polonais à la chaleur sénégalaise, au bord de l’océan. Le cadre des résidences influe évidemment sur l’écriture, et l’on retrouve un peu du lieu où elles ont été écrites dans chacune de mes pièces.

Katia Shahoika : Tu as écrit 4 pièces de théâtre pour le programme : « Je me souviens », « Les cerisiers en fleur », « Le Bourgeois Gentilhomme : Comédie-ballet pour ceux qui ont réussi » , « La Boîte de Sopi ». Y a-t-il une pièce particulièrement importante pour toi ? 

Rebecca Vaissermann : Chaque pièce est singulière car elle développe un sujet différent, a été écrite dans un lieu différent, et que le temps passé en résidences et en festivals 10 SUR 10 m’a permis au fur et à mesure de mieux comprendre les enjeux du programme, et donc d’affiner mon écriture. Mais je crois avoir été particulièrement marquée par l’écriture du Bourgeois-gentilhomme, qui est un texte pour lequel j’ai eu beaucoup de mal à trouver un axe de travail : j’ai cru, jusqu’au bout, que je n’allais pas réussir à écrire cette fois-là ! Et c’est au final ma pièce la plus jouée dans les festivals 10 SUR 10. J’ai aussi beaucoup aimé l’expérience de La boîte de Sopi : cette pièce s’est construite à 100% à partir de choses entendues et d’histoires racontées à Saint-Louis, et c’est ma pièce la plus ancrée dans son lieu d’écriture. Elle a été jouée – malgré la crise sanitaire ! – au Sénégal et en Gambie, et j’en suis à la fois fière et reconnaissante. 

Katia Shahoika : On apprend toute sa vie. Y a-t-il des choses que tu as apprises lors de cette aventure 10 SUR 10 ? 

Rebecca Vaissermann : C’est grâce à 10 SUR 10 que j’ai pleinement découvert l’étendue et la richesse de la francophonie. J’y ai d’ailleurs appris beaucoup d’expressions venues des quatre coins du monde qui teintent désormais mon français ! 

Et j’ai aussi appris à surmonter les phases de désespoir pendant lesquelles je me disais que je n’arriverais pas à écrire quelque chose de valable : en quatre résidences, j’ai toujours réussi à rendre ma pièce dans les temps !

Katia Shahoika : Et dans cette vaste histoire de tes participations au programme 10 SUR 10, quel est ton meilleur souvenir, une anecdote, quelque chose qui t'a impressionné ? 

Rebecca Vaissermann : 10 SUR 10 m’a permis de vivre beaucoup de moments forts à travers le monde, et il est difficile de choisir un seul souvenir. Mais j’ai été vraiment très touchée de voir ma pièce « Le bourgeois-gentilhomme – comédie-ballet pour ceux qui ont réussi » jouée au Festival de Dakar en 2020. C’était la première fois que j’assistais à une représentation d’une de mes pièces 10 SUR 10, et c’était incroyable de voir ces jeunes jouer mon texte sur l’immense plateau du Théâtre National de Dakar, en repensant au trajet de cette pièce, de son écriture dans un château en Pologne à ces représentations au Sénégal. C’est vraiment là que réside pour moi la magie 10 SUR 10 : créer des ponts, au-delà des frontières.