Les élèves ont l'habitude des classes orientées vers le tableau et donc vers le professeur. Une salle de classe dite traditionnelle. La classe qui suit, qui me regarde. Mais les yeux qui me suivent ne correspondent pas toujours aux oreilles qui m’écoutent. Cette disposition entraîne la passivité des élèves, freine les échanges, favorise uniquement le dialogue enseignant-élèves, l’évolution en groupe n’est pas aisée et on laisse de côté les derniers rangs.
L’aménagement de l’espace est primordial pour dynamiser un groupe d’élèves, le surprendre, sauvegarder son énergie, susciter une meilleure attention. La méthode d’apprentissage-enseignement du français par le théâtre favorise cela et peut être facilement intégrée dans un cours traditionnel de français. Mais cette méthode exige une mise en espace particulière de la salle de classe, préparée en avance ou pas.
Le professeur devient accompagnateur de l’élève dans l’apprentissage d’une langue. Et cela commence par l’aménagement de l’espace de la salle de classe.
Disposez vos tables en U
Bannissez la disposition des bureaux en rangs d’oignons !
Si l'on veut demeurer proche de l'aménagement traditionnel, l’installation des tables en U a ma préférence. Si vous ne souhaitez pas utiliser la méthode d’apprentissage-enseignement du français par le théâtre tout de suite, je vous suggère de faire au moins ceci. Favorisez la communication entre vos élèves ! Le format est très bien pour un tel apprentissage. Une langue se parle, se vit. On communique à travers une langue. La disposition en U favorise le dialogue entre les élèves.
Supprimez le bureau de l’enseignant ! Du moins symboliquement, afin de ne pas vous heurter à l’opposition des collègues qui enseignent dans cette même salle et souhaitent le conserver. Laissez-le à sa place, mais ne vous y asseyez jamais ! Laissez de côté votre statut de professeur centré. Il ne s’agit pas de mettre les élèves en U pour que vous restiez assis derrière votre bureau. Il faut vous asseoir avec eux !
Les élèves seront évidemment très gênés, étonnés et amusés. Car vous vous mettez au même niveau qu’eux. Vous ne semblez pas plus grand physiquement, ni trop autoritaire. Vous remarquerez alors que tout le monde voit tout le monde. Ce qui n’est pas le cas dans un format traditionnel. ici, tous les élèves sont confrontés à une égalité de tenue. Un élève qui prend la parole, qui bavarde, écrit, chuchote. Tout le monde voit. Et cela participe à la construction de la cohésion de groupe.
L’enseignant assis entre les élèves est impliqué dans cette cohésion. Il n’est pas ni à part ni au dessus d’eux. Il participe à l’échange et au partage. Les élèves sont à « égalité » avec l’enseignant, un dialogue plus « vrai » peut se produire.
Ce rapprochement entre l’enseignant et les élèves doit par contre respecter les différences de générations. En effet, le professeur reste un adulte et un élève un adolescent. Il ne s’agit surtout pas de devenir copain-copain. Mais de respecter une distance correcte afin de ne pas marcher sur la sphère privée de chaque élève, et il en est de même en retour pour la sphère privée de l’enseignant.
Allez plus loin : un cours sans tables !
Les tables sont utiles mais pas obligatoires. Ni indispensables. Le maintien des tables peut créer une distance entre les individus, autrement dit une protection qui peut être utile ou nuisible suivant l'objectif et l'attitude du groupe.
Il n’y a pas une mais de multiples dispositions possibles. Les dispositions ne sont pas "bonnes" ou "mauvaises". Elles sont plus ou moins adaptées au projet que l'on a, aux objectifs que l'on se donne.
Personnellement, je demande aux élèves de changer sans arrêt d’espace. Et l’on travaille par terre, sur des chaises, debout. Il n’y a aucune règle. Entre-temps, nous nous appuyons sur des exercices d’apprentissage du vocabulaire, sur un texte de théâtre, sur la prononciation, la compréhension du français, et bien d’autres.
Les élèves ont un carnet dans lequel ils notent les leçons, assis par terre ou sur des chaises, dans un coin ou au milieu de la salle. Ils échangent entre camarades sur des problématiques qu’ils n’ont pas saisies. La cohésion de groupe est immédiate.
Tout changement est difficile. Nous avons peur de ne pas savoir gérer les échanges plus nombreux qui risquent de se produire. Ces échanges pourtant ne sont pas négatifs, bien au contraire ! L'attitude des élèves est plus active, la communication est accrue. Ils sont prêts à l’apprentissage.
Nous changeons constamment d’espace et les élèves se sentent libres et s’intéressent au cours. Ils sont stimulés par un dynamisme. Vous mettez en place des rituels d’accueil, des échauffements pour calmer ou stimuler les énergies, des exercices sur la voix et le corps pour entrer dans la matière du français langue étrangère. Tout cela est pris au sérieux mais aussi moqué par certains au début.
Cette méthode étonne car elle est hors des sentiers battus. Les élèves seront très déstabilisés au début et conscients que cela n’entre pas dans la conformité. Ils auront peur et diront peut-être en récréation que le cours de français est bizarre. Ce qui va susciter beaucoup du curiosités de la part des élèves des autres classes. Et puis, votre cours va devenir un phénomène dans l’établissement. Vos élèves vont venir avec curiosité. En sachant qu'ils seront probablement surpris. Il ne sauront jamais à quoi s’attendre. Ils entreront en cours alors avec une certaine timidité, des questionnements. Que va-t-on faire cette fois-ci ? Et au bout d’un certain temps, ils seront fiers de participer à ce cours de français spécial et ils l’afficheront bien aux camarades de la récré. Leur apprentissage du français se développera considérablement.
Vous pouvez réaliser ce changement progressivement. Donnez-vous le temps de vous y habituer, d’apprendre et d’avoir moins peur.
Par exemple commencez par :
- Essayer avec la classe avec laquelle vous êtes le plus à l’aise
- Ne pas dépasser ce changement d’une heure ou deux
- Expliquer aux élèves auparavant la raison de ce changement
- Faire un point à la fin du cours pour leur demander ce qu’ils en pensent
Pour faire une expérience plus longue, parlez-en avec vos collègues les plus proches, avec le directeur et si nécessaire lors d'une réunion avec les parents.
Le début et la fin du cours
Vous êtes dans la classe et vous attendez vos élèves. Vous avez en tête de changer l’espace avec eux.
Le temps étant le problème pour tout enseignant, demandez à vos élèves de disposer eux-même les tables comme vous le souhaitez. Vous n’allez pas le faire tout seul. Si vos élèves sont 20, ça va aller très vite. Même transformer l’espace pendant l’heure de cours ne prend pas beaucoup de temps ! Une fois les tables rangées au fond de la salle, chaque élève déplace sa propre chaise. C’est très efficace en terme de rapidité.
Je vous propose de vous mettre à la tache AUSSI. Aidez-les à disposer une ou deux tables, des chaises. Participez déjà à la cohésion du groupe ici. Comme je le dis partout, montrez l’exemple.
À la fin du cours, demandez à vos élèves de remettre les chaises et tables en place comme vous les avez trouvé auparavant.
Des professeurs me disent que ce n’est pas une habitude dans l’école de positionner sa classe de cette manière. Et bien n'hésitez pas à casser les codes, à essayer une fois. C’est forcément déstabilisant au début, et pour les élèves aussi. Mais il faut bien passer à l’acte un jour.
Lorsque j’interviens dans une classe pour mettre en pratique la méthode du français par le théâtre, les jeunes sont généralement chamboulés, très étonnés, ils rient, ne savent pas se tenir. Et ma présence les gêne car les codes sont bousculés. Je leur demande de faire ce qu’on ne leur permet jamais de faire à l’école. Et puis, ils s’habituent, et c’est là qu’il faut toujours réinventer pour susciter encore la surprise et maintenir leur motivation pour l'apprentissage que vous leur proposez. C’est un combat de créativité pour dynamiser un cours.
La transformation de la salle de classe que je vous présente ici est radicale. J’ai longtemps hésité à écrire cet article car mes recommandations peuvent faire peur. Mais je peux vous affirmer que cette méthode est absolument efficace et prouvée. Depuis 6 ans je fonctionne de telle manière, j'interviens au maximum une fois par mois dans une même classe. Et au bout d’une année scolaire, les jeunes comprennent bien et prononcent clairement la langue. Ils sont apaisés et en confiance totale avec le français qui ne leur semble plus si difficile.
Essayez, écrivez-moi si certains points ne vous semblent pas clairs. N’hésitez pas à réagir dans les commentaires !
Bonjour ! C’est Iris. Je partage avec vous des conseils, tutoriels et ressources sur la méthode de l’apprentissage/enseignement du français par le théâtre. Chanteuse, actrice et metteur en scène dans la vie, je forme et accompagne les professeurs de FLE dans le monde. N’hésitez pas à poster un commentaire si vous avez une question ou envie de réagir après avoir lu cet article. A bientôt ! |
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Elke (lundi, 01 octobre 2018 08:59)
Excellent! En cours de FLE j'ai été confronté à l'incapacité de prononcer le"u". Les exercices de prononciations n'avaient apporté aucun résultat. J'en suis sûre que cette méthode résoudra ce problème.
Iris Munos (mercredi, 03 octobre 2018 12:09)
Elke, les exercices de prononciation permettent aux élèves d'avoir plus confiance en eux-même en plus de déclamer correctement les sons. Dans cet exercice, les élèves sont moins tendus car ils sont assis par terre. En cercle, ils réalisent l'exercice en groupe mais de dos pour ne pas être confrontés aux regards des uns et des autres. Les exercices de prononciation sont les plus intimidants car nous travaillons la position de la bouche, ce qui gêne beaucoup les élèves au début. Au fur et à mesure des cours, nous développons l'exercice avec de nombreuses variantes jusqu'à en assumer les regards portés sur nous.
hasna (vendredi, 29 octobre 2021 17:21)
merci infiniment pour cette article les gestes du professeur liées au classe et aussi au relation avec ses apprenants